Interview : Ludo Dulou, waterman et développeur F One

Né en Gascogne, loin de la mer, Ludo Dulou a fait du chemin depuis ses débuts dans le sauvetage côtier … Forgé à la dure école de la natation et du paddleboard traditionnel dont il a été pendant longtemps la référence Européenne, il  a su se diversifier et toucher à tout pour devenir petit à petit un waterman accompli, aussi à l’aise en surf sur les vagues géantes du Pays Basque que dans les sports d’endurance et de mer. La marque F One ne s’y est pas trompé, utilisant l’experience de Ludo Dulou pour développer les shapes de Sup Race de la marque. L’interview ci dessous revient sur son parcours hors norme et sur son travail quotidien de développement.

L’interview de Ludo Dulou

Ludo, peux tu nous décrire un peu ton parcours de waterman, depuis tes débuts en tant que MNS jusqu’au Sup race, en passant par le paddleboard traditionnel, la pirogue et le surf ?

Mon parcours sportif et mon amour pour le milieu aquatique naissent effectivement en tant que MNS sur le littoral Aquitain, en tant que B.E des activités de la natation et en tant que joueur de waterpolo aux Girondins de Bordeaux. En étant MNS, j’ai été initié à la culture des sports watermen, au bodysurf et à tout le reste. J’ai ressenti la nécessité d’être un athlète au top de sa forme en cotoyant des athlètes MNS, avec lesquels j’ai partagé beaucoup de chose. Mon métier de Maître Nageur Sauveteur m’a amené à sauver des vies et à prendre conscience de l’importance de la connaissance du milieu marin. C’était le tout début du sauvetage sportif « à l’australienne » et tous mes copains MNS étaient des pionniers en la matière. C’est en partant vivre en Polynésie en 1997 que j’ai saisi toute la dimension de la culture de ce peuple, basée sur le relation de l’homme avec l’océan. Touché et inspiré par cette culture, j’ai cherché à comprendre, à vivre l’environnement marin, à pêcher, à surfer, à ramer. Je suis également très attaché à la culture ainsi qu’aux valeurs de ma région : l’Aquitaine et la Gascogne. A mon retour de Polynésie, j’ai décidé logiquement de vivre ma passion et de créer une structure autour des sports de glisse et d’endurance de l’océan. J’ai choisi de m’installer à Socoa, sur la Côte Basque, en mars 2002. En 2005, Ocean-Outrigger voyait le jour… Et parallèlement à cela, j’avais envie de repousser mes limites en allant me confronter aux meilleurs athlètes « Lifeguard » mondiaux. J’ai commencé à participer à de grandes courses internationales, avec tout l’entraînement physique et la préparation technique que cela demande.

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Il y a d’abord eu San Sebastien/Saint-Jean de luz en relais, en 2004. Puis St Jean de Luz/Capbreton l’année suivante que j’ai gagné et finalement la grande course San Sebastien/Capbreton en 2006, qui est devenu la « Gascogne ». La course est alors devenue la plus longue course de paddleboard au monde, plus longue que la Molokai à Hawaii ou la Catalina en Californie. La Gascogne fait 34 milles nautiques soit 65 km. J’ai participé à toutes les éditions sauf l’édition 2009 ou Mathieu Chevalier gagne en solo. En 2006 et 2007, cela a été chaque fois un duel tendu entre Jamie Mitchell, le meilleur rameur de la discipline et moi. Un rameur très technique, trés puissant que j’ai beaucoup observé. En 2007, il me bat de 42 secondes aprés un duel de 7h25 d’effort. En 2008, Mitchell n’est pas revenu, avouant que cette course était trop dure, pas assez downwind pour lui. La Gascogne, ce n’est pas la Molokai. Néanmoins cette année-là, j’ai repris le record de l’épreuve en 6h41 minutes avec des conditions similaires à celles de 2006.

Outre la Gascogne, l’Oceanman de Cap Breton était l’un de mes gros objectifs de l’époque, c’est l’épreuve reine du sauvetage côtier qui mêle la rame, la natation, le kayak Australien et la course à pied sur le sable. J’y ai participé plusieurs fois en solo face à des équipes de 4 sauveteurs et j’ai remporté l’épreuve durant trois années consécutives.

J’ai également participé à La Molokai, l’épreuve mythique du paddleboard à Hawaii, considéré comme le véritable championnat du monde de la discipline. En 2007, dans des conditions épiques, je finis quatrième en 5h36 et vainqueur dans la catégorie très disputée des 30-39 ans. Je considère cela comme la plus grande victoire de ma carrière, une victoire sur moi même avec 120 rameurs très éxpérimentés au départ.

J’ai aussi eu mon époque pirogue que j’ai découvert à Tahiti, j’adorais cette discipline et j’ai adoré la partager, notamment à travers de la création de mon entreprise Outrigger Canoe.

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Le surf a fait très tot partie de mon parcours de waterman. J’aime le challenge de surfer de grosses vagues l’hiver ici au Pays Basque. Des Landes jusqu’à l’Espagne, en passant par Guethary, Avalanche et la mythique Belharra, le potentiel est énorme et les occasions d’aller à l’eau très nombreuses !

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Et puis il y a eu le stand up paddle, que j’ai découvert très tot en 2005 à Hawaii, mais que j’ai réelement commencé à pratiquer en Australie en 2006 grâce à Mick Di Betta. A l’heure actuelle je suis le développeur en charge de la gamme Sup race de F One et je participe à de nombreuses compétitions de Sup race avec l’idée de me faire plaisir, de continuer à apprendre et de rester au contact avec la réalité des pratiquants ( ndlr : Ludo fais toujours partie des meilleurs Français dans la discipline … ) . Continuer à pratiquer soi même est indispensable pour le developpement et je suis fier des résultats actuels des coureurs F one …

– Justement, dans quelles mesures ton passé en paddleboard traditionnel, et ton passé de waterman en général, influent-ils sur les shapes des SUP Race et des prone paddleboards chez F-One ?

Ce qui m’intéresse dans le développement des planches et des shapes c’est que l’on n’atteint jamais la perfection. C’est une évolution sans fin, le but étant de satisfaire les pratiquants et donc nos clients. La complexité est de pouvoir développer des planches et des pagaies qui fonctionnent pour les compétiteurs certes, mais surtout qui procurent satisfaction et plaisir aux pratiquants de tous niveaux…

Tel est notre challenge chez F-One mais une planche très polyvalente se révèle être difficile à réaliser.

C’est un travail d’équipe : Raphaël Salles fondateur de F-One, Arthur Daniel notre jeune recrue talentueuse pour le SUP Race, Alban Cornic spécialiste du prone paddleboard, Charles Bertrand notre ingénieur naval et moi travaillons ensemble et échangeons beaucoup. Chacun apporte sa pierre à l’édifice et nous restons ouverts les uns envers les autres.

Le développement c’est aussi l’école de l’humilité… Mon passé de rameur sur différents supports m’a forcément ouvert l’esprit et m’a sensibilisé à la glisse à basse vitesse, c’est à dire en dessous de 6 nœuds de moyenne, sur des parcours en pleine mer.

Nous sommes sensibles à la stabilité, à la glisse et à la manière dont une planche se comporte dans les bumps, sur plan d’eau calme et agité, et au portant… Nous sommes des sportifs d’endurance mais aussi et surtout de glisse !

A coté de cela nous travaillons sur des ocean-boards, des longboards gun, et d’autres planches qui sont plus adaptées aux grosses vagues.

J’ai été sollicité par F-One en 2010 afin de développer la game Race. Mon parcours et mon expérience de waterman les ont séduits. Mais avant tout, je suis un observateur.

Je me suis imprégné lors de mes divers voyages et challenges des multiples approches de glisse.

J’ai eu la chance de me confronter aux meilleurs rameurs lors des Molokai notamment.

Aussi, sans me revendiquer marin, j’ai toutefois une vision de l’océan assez précise. Je ressens la houle, les courants et le vent. Je les analyse sans cesse et me sers de ces sensations pour faire évoluer ma glisse et les planches en permanence. J’apprends encore et toujours. C’est infini, c’est cela qui me plait et c’est cela que j’aime !

– Comment se déroulent les phases de test des SUP Race et des prone paddleboards ?

Les phases de test se déroulent entre nous, les athlètes, sur des parcours et des thèmes bien ciblés en notant précisément nos sensations.

Par exemple quand l’on souhaite travailler et tester la stabilité d’une planche on va le faire sur quatre petits parcours différents en mettant les planches en confrontation entre elles. On notera nos sensations exactes afin de pouvoir les comparer et en parler par la suite. C’est un travail éprouvant qui demande de se remettre en question en permanence. On se concentre sur un seul point à la fois. L’avantage d’avoir développé les planches chez F-One depuis quatre années nous permet de mieux comprendre et d’analyser ce que l’on recherche.

Une des meilleures écoles de test c’est d’aller se confronter avec “sa planche” aux autres compétiteurs et aux autres marques. Les compétions de tout type permettent de comprendre son shape et sa planche dans différentes conditions et bien sûr de voir les produits créés par les autres marques de glisse.

– Certains reprochent au SUP Race de devenir un « sport de cycliste », qu’en penses-tu, toi qui a eu l’occasion de voyager sur de nombreuses compétitions ces dernières années?

Je dirais qu’il en faut pour tout le monde . Cette notion de sport de cycliste se retrouve surtout sur les compétitions de SUP Race sur plan d’eau très peu agité voire totalement plat. Il y a une technique spécifique pour savoir profiter de la vague et de l’aspiration du rameur devant, sans taper avec sa planche, tout en le respectant. En effet il y a une stratégie derrière le drafting : savoir se positionner, créer des « échappées », s’économiser pour ensuite produire l’effort qui permet de se détacher…

Personnellement je suis attiré vers les courses de plein océan avec des conditions de mer et d’océan agitées : Au portant, le fameux Downwind. Dans de telles conditions, c’est chacun dans sa bulle et chaque rider joue son option, on ne peut pas se suivre pour aspirer la vague de l’autre.

Je dirais que ce qui est intéressant dans le SUP Race c’est justement toutes ces différentes façons de le pratiquer, chacun à sa manière. La réussite d’un sport et d’une pratique sportive est, selon moi, de permettre à un maximum de monde d’y trouver son intérêt et son plaisir !

Résumé du parcours de Ludo Dulou :

– BNSSA (brevet national de sauvetage et de secourisme aquatique) depuis 1994.
– BEESAN (brevet d’état des activités de la natation) depuis 1995.

– BPJEPS Surf depuis 2014.

– Moniteur National de secourisme depuis 1998.
– Sauveteur aquatique (littoral aquitain) de 1994 à 1997.

– Educateur sportif et responsable en piscine de 1998 à 2008.
– Président et éducateur sportif pour le Belharra Watermen Club depuis 2008.

– Pratique du sauvetage sportif, water-polo, chasse sous marine et body-surf depuis 1993.

– Plus de 20 ans d’expérience en sauvetage sportif et dans les sports de rame de plein océan.
– Palmarès et parcours sportif :

– 2014 : Vice Champion du monde de paddleboard en sept 2014 à Montpellier.
– 2010 : Champion d’Europe de Pirogue Hawaïenne OC2.
– 2008 : Recordman de la plus longue course de Paddleboard au monde « La Gascogne » (65 km en 6h41).

– 2005/2008 : Double Vainqueur en Paddleboard Race à « La Gascogne ».

– 2006 à 2008 : Triple Vainqueur à l’Oceanman sauvetage longue distance de Capbreton.

Site internet : www.ocean-outrigger.com

Photos : Greg Rabejac ,  Stéphane Beckret